Identité haïtienne d’hier et d’aujourd’hui: tant d’évolution en peu de temps
SOFT LIFE / 18 mai 2020
Aujourd’hui est un jour très important en Haïti puisque c’est la célébration du drapeau haïtien. C’est le 18 mai 1803, lors du congrès de l’Arcahaie, qu’un de chefs de la Révolution haïtienne, Jean-Jacques Dessalines déchire le drapeau français. Mais c’est sa filleule, madame Catherine Flon, qui unit les couleurs bleu et rouge pour symboliser l’union des Noirs et des métisses.
Sommaire
POURQUOI J’AIME AUTANT HAÏTI?
L’amour envers Haïti m’a été transmis principalement par mon père. je ne dis pas que ma mère ne valorisait pas notre pays mais c’est notre père qui a fait notre éducation culturelle concernant Haïti. À ses retours de voyage, il nous achetait des livres qui relatait l’Histoire d’Haïti, des victuailles haïtiennes comme la patate douce, de l’akasan, du chocolat haïtien, des tablettes, de la mange et Cie.
Puis, viens notre premier voyage en Haïti, je n’oublierais JAMAIS ce jour: c’était le mercredi 1er juillet 1998. À peine sortie de l’avion, la chaleur tropicale nous envahit. On nous accueille avec des musiciens qui nous souhaitent la bienvenue en Haïti. À la sortie de l’aéroport de Toussaint Louverture, des rabatteurs qui veulent absolument qu’on prenne leurs taxis. Notre père, déjà sur place, nous amène dans une voiture. Puis, nous allons à la rencontre de sa grand soeur. Mon DIEU, j’ai cru voir mon père en fille: ils se ressemblent TELLEMENT. Mon père l’admire énormément, on sent son coeur gonflé de fierté au vu de cette première rencontre ô combien émouvante.

© LA KREYOLITA
La soeur de ma mère était aussi du voyage avec ses enfants: c’était génial. Nous séjournions pas loin du centre-ville de la capitale Port-au-Prince. Ma tante paternelle était une brave commerçante, un BOSS lady: elle gérait son business comme un chef. Elle était veuve et avait sa benjamine qui vivait encore avec elle (l’année suivante, elle s’établissait aux USA): la plupart de ses enfants sont allés vivre à New York City.
De sa terrasse, on avait une vue magnifique sur Port-au-Prince: je regrette qu’à l’époque, on avait pas de smartphone. Se lever au matin grâce au chant du coq est un souvenir gravé dans mon coeur.
L’amour d’Haïti débute par l’éducation, par la transmission de savoir par les parents: ce sont eux qui forment la première couche de cet amour. Puis, c’est la curiosité qui fomente et qui solidifie cet amour envers le pays.
Plus on creuse dans l’Histoire d’Haïti, plus on ressent de la fierté pour ses ancêtres d’avoir pris tant de risques pour que l’on soit aujourd’hui libre.
On aime cette île pour sa beauté, sa richesse culturelle et ses habitants qui ne déméritent pas. Mes compatriotes sont TELLEMENT courageux: je pense à la marchande de pain qui se lève avant l’aube pour récupérer les pains fraichement cuits, qui donne de la voix pour vendre ses pains et qui ne s’arrête jamais.
Leur vie est vraiment dur mais ils n’abandonnent: ils gardent espoir pour que la situation d’Haïti s’améliore et ils gardent la tête haute ainsi que leur dignité.
Je les admire, je les aime et je les remercie car Haïti serait déjà à terre depuis si longtemps.
J’aime Haïti pour nos ancêtres: pour ces femmes et ces hommes d’exceptions comme Sanité Bélair, Catherine Flon-Dessalines Marie Claire Heureuse Bonheur,Cécile Fatiman, Dédée Bazile, Marie Claire BonheurJean-Jacques Dessalines, Toussaint Louverture.
J’ai les larmes aux yeux rien qu’en pensant à eux, à leur courage et à leurs sacrifices.
J’aime Haïti pour avoir gardé son authenticité dans le vaudou bien que diabolisé: l’un de nos rares liens authentiques avec l’Afrique.
J’aime Haïti pour sa gastronomie unique: diri djondjon, diri sos poi, diri légumes, marinades, acras, banan pézé, soup joumou, pikliz et cie. La gastronomie haïtienne n’a pas d’égal à mes yeux (serais-je chauvine?).
Je pourrais en parler pendant des heures tellement ce pays me passionne.
L’ÉVOLUTION DE LA PERCEPTION DES HAÏTIENS ENVERS LEUR COMMUNAUTÉ ET HAÏTI
De ce que j’ai connu, une majorité d’Haïtiens ont grandi en ayant éduqué avec la fierté d’être Haïtiens. Certains parents ont fait découvrir le pays à leurs enfants et en ont gardé de merveilleux souvenirs.
D’autres ont immigrés en ayant beaucoup de ressentiments envers le pays: je peux comprendre leur amertume et je ne jugerais jamais leur ressenti car je n’ai pas vécu leurs épreuves.
Mais beaucoup de personnes qui ont l’âge de nos parents disaient beaucoup de mal d’Haïti, décourageaient les Haïtiens d’y acheter des terrains et d’investir de l’argent car c’est de l’argent perdu.
Pire encore, tous les malheurs du pays sont du vaudou: incroyable quand c’est LE vaudoun qui a permis l’accès à l’indépendance.

© Samuel Dameus
À la télévision, on ne montre que des images de désolation du pays: pas étonnant que certains ne revendiquaient pas le fait d’être Haïtien(ne). Mais aujourd’hui, de plus en plus d’haïtiens montrent leur appartenance à Haïti en mettant le drapeau à côté de leur pseudonyme. Ils diffusent des éléments positifs à la culture haïtienne, la beauté des paysages.
Beaucoup voyagent en Haïti même sans être accompagné de leur famille et découvrent le pays du nord au sud. C’est merveilleux de voir un tel changement.
Voir, de plus en plus de jeunes haïtiens valoriser un pays qui ne les a pas vu naître ou un pays qu’ils n’ont pas encore visité me fait tant chaud au coeur.
Je sais qu’il y a quelque chose à faire au sein de cette communauté: une communauté à structurer et à valoriser comme l’ont très bien fait nos compatriotes aux USA et au Canada.
C’est quelque chose qui est déjà fait grâce à des Haïtiens qui tiennent des associations comme Lead by Example, des médias comme Naptup, des pages sur les réseaux sociaux comme Haitians Got Talent.
Les haïtiens-français ne sont pas attentistes et s’organisent de leur côté. Ils font peut-être moins de bruits mais ils ne sont pas en reste.
J’ai véritablement la foi en ma communauté.
CES RELENTS XENOPHOBES QUI SUBSISTENT ENCORE, DE NOS JOURS ENVERS LES HAÏTIENS
Malheureusement, les Haïtiens, dans beaucoup d’endroits où ils vivent dans le monde subissent des oppressions car ils sont Haïtiens.
Par exemple, aux USA, les Haïtiens étaient accusé d’avoir propagé le SIDA dans ce pays et ils ont dû manifester dans les rues de Flatbush, Brooklyn en octobre 1991. Après les déclarations irrespectueuses de l’actuelle locataire de la Maison Blanche envers Haïti et des pays africains ont à nouveau manifesté en janvier 2018 dans les rues de NYC.
Décidément, les Haïtiens sont maltraités dans de nombreux endroits comme en Amérique latine ou encore aux Bahamas. Quand je pense qu’Haïti a aidé de nombreux pays d’Amérique latine à devenir indépendant, je suis quand même désabusée par ce que je lis.
Certaines personnes pensent justifier ces maltraitances ou cette xénophobie par le mauvais comportement de certains Haïtiens ou leur supposé propension à avoir des difficultés à s’intégrer dans les lieux où ils s’établissent.
Dans cet article, j’aurais pu donner la parole à des proches qui ont vécu dans les Antilles françaises et en Guyane mais j’ai préféré relater l’expérience d’abonné(e)s de mon compte Instagram. Je les remercie pour leur confiance et surtout de m’avoir fait autant de confidences. Malheureusement, cela m’a confirmé ce qu’on vécu mes compatriotes aux USA, en Amérique latine et dans les DROM.

Témoignage d’une de des abonnées sur Instagram
© Joanne Romain
J’ai pu longuement discuté avec certains de mes abonnés sur Instagram: ce que je constate est l’amour inébranlable envers Haïti. Cela faisait chaud au coeur d’entendre et lire leurs propos bien que la situation du pays est assez compliqué.
J’ai voulu avoir leur témoignage car n’ayant vécu qu’en Île-de-France, je n’étais pas légitime pour parler de faits que je n’avais pas vécu. Et malheureusement, ces adorables abonnés m’ont bien confirmé que si certains d’entre eux n’avaient pas subi de discriminations, leurs parents ou des personnes de leur entourage l’ont vécu en Guyane et en Martinique. Des propos xenophobes sur la supposé laideur des femmes haïtiens, le fait que les femmes haïtiennes ne pouvaient pas avoir la peau claire ou encore que les haïtiennes ne savent pas s’habiller. D’autres qui aiment qualifier les haïtiens de sorciers, de voleurs d’emplois locaux et de pauvres gens. Incroyable que des Noirs ayant en commun d’avoir été mis en esclavage par le même pays colonisateur puisse tenir de tels propos. On me rapporte que la nouvelle génération ne tient pas ce type de propos: c’est aussi parce que les Haïtiens ne se laissent plus faire.
Ce n’est pas un hasard si le chanteur guadeloupéen Admiral T a fait cette chanson sur les discriminations à l’encontre des Haïtiens. Qu’on ne vienne pas me dire qu’il s’agit d’ignorance car avec l’accès gratuit à la connaissance que propose Internet, car à mes yeux l’ignorance est un choix DÉLIBÉRÉ.
Comment faire l’union sacré avec des personnes qui trouvent normal de nier les discriminations à l’encontre des Haïtiens sur leur territoire, de les exclure dès l’occasion se présente. Je n’ai guère l’impression que les choses changent et si elles changent c’est parce que les Haïtiens se sont réappropriés leur fierté. Aujourd’hui, venez insulter un Haïtien de sorcier, cela ne le touchera guère. Dénigrer la beauté des femmes Haïtiennes est inutile car nous sommes conscientes de notre beauté.
Le temps où certains se sentaient pousser des ailes en nous insultant est RÉVOLU.
La nouvelle génération commence à prendre conscience de l’importance de revenir au socle originel de la culture haïtienne qui se construit autour: – du culte des ancêtre;
– de la dédiabolisation du vaudoun;
– du créole haïtien;
– de la réappropriation de la culture haïtienne.
À titre personnel, je ne ferais jamais bloc avec des personnes qui trouvent normal de nier la souffrance d’autrui et qui veulent leur faire porter le chapeau de la désunion. Il ne peut pas y avoir d’union sans pardon et sans reconnaissance des oppressions passés. C’est trop facile de passer l’éponge quand cela développe une haine et un rejet de sa propre culture.
Combien d’Haïtiens que j’ai rencontré me disait qu’ils étaient Antillais ou Guyanais alors qu’on pouvait reconnaître à leur patronyme qu’ils étaient Haïtiens. Que ces mêmes personnes ne veulent rien à avoir affaire avec Haïti. Donc non, ce n’est pas le passé quand des Haïtiens qui ont mon âge, ont subi cette xénophobie durant leur enfance. Qu’ils ont vu leurs parents se faire insulter car ils étaient Haïtiens. C’est un peu trop facile de ne pas prendre ses responsabilités ou de dire « on n’est pas tous comme ça ».
En conclusion, on ne va continuer à se sentir mal à l’aise pour mettre à l’aise des personnes qui nient nos souffrances: pardon, mais pour ma part, ce sera SANS moi.
À très vite…